Le Nouvel hôpital de Bône : Histoire d'une œuvre inachevée
The new hospital of Bône: History of an unfinished work
Résumé
Cet article retrace l’histoire et l’architecture de l'hôpital Ibn Rochd à Bône (actuellement Annaba, en Algérie), également connu sous le nom du « Nouvel hôpital », l'un des plus importants établissements hospitaliers de la commune. Construit entre 1947 et 1958 sur les hauteurs de la ville, durant la période coloniale française, il a été conçu par l’architecte Xavier Salvador, dans le cadre d’un programme de réorganisation hospitalière qui visait à remédier à l’insuffisance des infrastructures de santé et à répondre aux besoins sanitaires de la population européenne. Xavier Salvador, alors inspecteur d'architecture au gouvernement général et conseiller technique du directeur de la santé publique, était l’un des principaux spécialistes de la construction hospitalière moderne en Algérie, à qui l’on avait déjà confié la conception des hôpitaux de Sétif, de Sidi Bel Abbés et de Miliana. Cependant, la période de construction du Nouvel hôpital a été marquée par des événements majeurs, à l’instar du contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale, de la réapparition de certaines épidémies, des déséquilibres budgétaires, des priorités militaires et des tensions liées au déclenchement de la Guerre de Libération Nationale.
Notre problématique s’interroge sur les enjeux et les difficultés rencontrés lors de la construction de l’hôpital Ibn Rochd. L’objectif principal consiste à mettre en lumière les difficultés liées à la réalisation d'un projet hospitalier dans un contexte politique et économique complexe, à travers l’étude des dynamiques historiques et architecturales qui ont guidé sa conception et son exécution.
La recherche repose sur une démarche historique et descriptive, fondée sur l’exploitation d’un corpus archivistique diversifié comprenant les archives communales d’Annaba, les archives provinciales de Constantine et les archives nationales d’Alger. L’analyse comparative entre la conception initiale et le projet réellement exécuté, a mis en évidence un écart considérable : seulement 49% de la conception originelle de l’année 1947 fut achevée au moment de son inauguration en 1958. La capacité visée au début était comprise entre 1000 et 1050 lits, alors qu’au moment de l’inauguration on ne comptait que 600 lits, dont les deux tiers étaient réservés au service de santé militaire, conférant ainsi à cet établissement un statut d’hôpital mixte.
Bien que partiellement réalisé, le Nouvel hôpital constitue le premier exemple d’architecture hospitalière moderne dans la région. L’organisation rationnelle des services, le plan en peigne et en double croix et la structure en béton armé s’inspirent du modèle de l’hôpital Beaujon à Clichy, représentatif du fonctionnalisme hospitalier.
Après l'indépendance, l'établissement a connu une succession de modifications et d'extensions, souvent menées sans études préalables et sans tenir compte de l'étape primordiale du diagnostic urbain, engendrant un ensemble architectural et fonctionnel hétérogène. Ce constat souligne l’importance de cette recherche, qui contribue à la revalorisation du patrimoine hospitalier, souvent marginalisé dans les politiques de santé publique et d’urbanisme contemporain.